Championnats du monde Singapour – “Elle veut être la plus grande championne de son sport” : Summer McIntosh, des records et une ambition

La natation est un sport ingrat. Des matins à compter les carreaux, à enchaîner les longueurs. Les cuisses qui se crispent, les poumons qui brûlent : il faut une force de conviction au-dessus de la moyenne pour toucher le Graal et, encore plus, pour y rester. Après cinq titres olympiques et l’été d’une vie à Paris, Léon Marchand a coupé le contact.

Des mois à chercher un nouveau sens, à s’éloigner un peu des bassins pour retrouver le goût d’y revenir. Summer McIntosh, elle, n’a pas pris le même chemin. A 18 ans, et après trois titres olympiques à Paris, la Canadienne a appuyé sur l’accélérateur elle qui, depuis ses débuts à 14 ans, ne connaît ni coups de mou ni coups de blues.

Aux Mondiaux petit bassin de Budapest en décembre, elle décroche trois titres et autant de records du monde. Pas question de ralentir mais plutôt d’étendre sa domination. Cette semaine, lors des championnats du Canada, elle a quasiment battu un record du monde par jour (400m, 200 et 400m 4 nages). Aujourd’hui, elle se considère dans la meilleure forme de sa vie et, si les règnes en natation sont parfois éphémères, le sien ne fait sans doute que commencer. Qu’est-ce qui anime cette gamine au sourire d’ange mais à l’appétit carnassier ?

 ça n’a été réalisé que par Michael Phelps

“Elle se lève le matin pour être la plus grande championne de l’histoire de son sport. Ce qu’elle a fait là ces jours-ci, trois records du monde en une seule compétition, ça n’a été réalisé que par Michael Phelps. Peut-être aussi Kornelia Ender mais bon, dans les années 70, 80 en Allemagne de l’Est, on ne va même pas en parler.” Le constat est signé Frédéric Vergnoux, son tout nouveau coach depuis janvier. Car McIntosh n’est pas du genre à se reposer sur ce qu’elle sait faire. Comme Léon Marchand, c’est une exploratrice en quête d’expérience et de nouveauté pour une quête absolue : progresser.

Summer McIntosh

Crédit: AFP

Alors, en 2025, elle a choisi de quitter tout ce qui avait fait son succès jusqu’ici pour se confronter à un nouveau monde. Direction Font-Romeu puis Antibes où elle rejoint Vergnoux et son groupe de nageurs. “En Floride, il y a sa maman, sa famille, sa maison, ses chats, et elle s’est retrouvée du jour le lendemain à Font-Romeu, dans une chambre de 9 m2, avec un nouvel entraîneur et des nouveaux partenaires d’entraînement“, explique Vergnoux.

Trois séances de ski de fond hebdomadaires en janvier, trois séances de vélo hébdomadaires dans des salles par 40 degrés en mai, la triple championne olympique expérimente de nouvelles pistes et bénéficie de l’accompagnement scientifique de la fédération française de natation. A 18 ans, McIntosh voulait casser ses repères et se régénérer mais sans perdre de vue ce qui l’a fait avancer : repousser ses limites le plus loin possible. Sur ce point précis, elle a trouvé avec son nouvel entraîneur le compagnon idéal.

C’est bien pour notre sport

Il continue : “Mon travail, ça n’a pas été que de la repousser dans ses retranchements, mais aussi de faire en sorte qu’elle soit convaincue qu’il y a des choses qui sont possibles alors que peut-être elle voyait certaines impossibilités. Je me souviens d’une conversation où je lui dis : ‘Ledecky risque d’être la seule sportive dans l’histoire du sport à gagner 5 médailles d’or sur la même épreuve avec le 800m à Los Angeles. Peut-être que ce sera toi qui vas l’empêcher de faire ça.’ Je ne vais pas dire que je l’ai convaincue à faire le 800 mais je pense que ça a infusé petit à petit.” Quelques mois plus tard, elle chatouille le record du monde de l’Américaine sur la distance (8’04”12), en établissant le troisième meilleur temps de l’histoire (8’05”07). Une folie.

Katie Ledecky (a destra) e Summer McIntosh

Crédit: Getty Images

“Je crois qu’elle n’a fait que quatre ou cinq 800 m dans sa carrière, alors que Ledecky a dû en faire des dizaines et des dizaines, continue Vergnoux. Le duel McIntosh contre Ledecky sur 800m cet été va faire parler, c’est bien pour notre sport. C’est hyper excitant.” Voilà 13 ans que l’Américaine est invaincue sur sa distance de prédilection. Peut-elle tomber cet été face au phénomène McIntosh ? Après les Mondiaux, elle rejoindra Léon Marchand et Bob Bowman au Texas. C’est un autre désir ardent qui l’animera : devenir la première femme à décrocher cinq médailles d’or individuelles sur une même édition des JO.

Dès aujourd’hui, elle met tout en place pour se donner les meilleures chances d’y arriver. “Elle a les pieds sur terre, elle est très humble avec une vie tout à fait normale, ce n’est pas du tout une star, confie Vergnoux. Mais elle est professionnelle jusqu’au bout des ongles. Mercredi après-midi, à, Font-Romeu, c’était journée de repos. Le groupe allait se balader, faire un bowling, manger une crêpe. Et Summer ? Repos dans sa chambre. Donc voilà, pro, pro, pro.” La perfection a un prix.