Dans le Loiret, le RN s’offre une grande sauterie internationale pour oublier les galères internes

VALERY HACHE / AFP

Marine Le Pen et Jordan Bardella, ici photographiés à Nice au mois d’octobre. (photo illustration)

POLITIQUE – Mormant-sur-Vernisson. C’est dans ce village du Loiret hébergeant moins de 150 âmes que le gratin de l’extrême droite européenne va tenir meeting ce lundi 9 juin, à l’initiative du Rassemblement national. À l’affiche, le Premier ministre Hongrois Viktor Orbán, le Vice-président du Conseil des ministres d’Italie Matteo Salvini, le chef de file de l’extrême droite espagnole (Vox) Santiago Abascal ou encore les locaux, Marine Le Pen et Jordan Bardella.

Objectif des festivités selon le RN : célébrer « la victoire historique du 9 juin 2024 », lors des élections européennes. Ce scrutin qui a marqué une poussée de l’extrême droite à l’échelle du Vieux Continent et qui, en France, a conduit Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée nationale. En réalité, toutes les forces nationalistes n’ont pas marqué une progression comme celle de la liste conduite par Jordan Bardella. Si le RN a progressé de huit points entre 2019 et 2024, le parti de la guest-star du jour, Viktor Orbán, était lui en recul sur ce vote.

Son parti, le Fidesz, a fondu de près de 9 points entre les deux élections. En outre, le Premier ministre hongrois compte désormais 10 eurodéputés (contre 13 durant la précédente législature). Mais qu’importent ces chiffres qui nuancent un discours triomphaliste, l’ambiance est à la fête, alors que l’extrême droite ne cesse de gagner du terrain à l’échelle européenne. Sans pour autant, encore, tout emporter sur son passage. Ainsi, si la Pologne se retrouve depuis quelques jours avec un président nationaliste, la Roumanie a résisté à la vague brune (au grand dam des relais de la propagande russe au RN).

« Démonstration de force »

« La fête des Patriotes est bien plus qu’une simple célébration — c’est une démonstration de force, de solidarité et de but commun pour une nouvelle Europe fondée sur la souveraineté, l’identité et la liberté », vante le parti lepéniste qui, en réalité, a bien besoin d’une parenthèse festive pour noyer ses soucis. Car depuis la condamnation de Marine Le Pen pour détournement de fonds publics à une peine d’inéligibilité avec exécution immédiate, compromettant considérablement sa capacité à se porter candidate en 2027, c’est tout l’édifice frontiste qui vacille.

Et avec tout ce que ça implique de tensions internes dans l’optique de la prochaine présidentielle. Le RN est-il irresponsable en maintenant coûte que coûte la candidature de la patronne, dont la viabilité est conditionnée à la clémence (loin d’être acquise) d’une décision en appel qui interviendra à l’été 2026 ? Plusieurs le pensent au RN et chez ses satellites, et poussent ainsi pour faire décoller la fusée Jordan Bardella. Ce qui irrite considérablement les fidèles de Marine Le Pen. « À l’Assemblée, dans les couloirs, on voit que les marinistes revendiqués ne sont pas bien et qu’ils sont inquiets. Ils se disent que si c’est Bardella, c’est fini pour eux, ils n’en veulent pas », s’amuse auprès du HuffPost un député LR, croyant percevoir une « fébrilité » chez ses collègues lepénistes.

Vieux démons

En outre, le RN s’est retrouvé ces derniers jours rattrapés par ses vieux démons. Mardi 3 juin, le média Les Jours a révélé que neuf députés RN étaient membres d’un groupe Facebook dans lequel des propos racistes, antisémites et homophobes étaient régulièrement publiés. Des révélations qui tombent mal dans le contexte du crime raciste commis à Puget-sur-Argens le 31 mai. Selon les premiers éléments de l’enquête, l’auteur de l’attaque avait une activité numérique assez proche des contenus que l’on trouve dans ce genre de groupe Facebook.

Plus précisément, Christophe Belgembe appelait sur les réseaux sociaux à « voter » pour le RN, considérant que seuls Jordan Bardella et Marine Le Pen pouvaient sortir la France « de la merde ». Une proximité avec les idées défendues par le parti lepéniste qui a provoqué une certaine gêne en interne, où peu d’élus ont exprimé leur indignation après l’attaque commise par celui qui est pourtant désormais mis en examen pour « assassinat terroriste ». Un comble pour une famille politique qui se présente à la pointe dans la lutte contre l’insécurité et qui a érigé la récupération politique des faits divers en discipline olympique.

Cette respiration internationale est donc la bienvenue pour Marine Le Pen et Jordan Bardella. Même si, sur place, des contre-rassemblements sont organisés dans des communes voisines. Ceux-ci rassembleront plusieurs personnalités, comme les élus PS Philippe Brun ou Chloé Ridel, en passant par l’insoumis Louis Boyard ou le sénateur communiste Ian Brossat. Des figures de la société civile, comme Sophie Binet ou le fondateur de Mediapart Edwy Plenel sont également annoncées. Même lorsqu’elle s’évade dans le Loiret pour célébrer une victoire, l’extrême droite trouve des adversaires pour lui gâcher la fête.