Que se passe-t-il sous le soleil californien ? En l’espace de quelques jours, la Cité des Anges a perdu le leader des Beach Boys, Brian Wilson, et vu débarquer la Garde nationale, sur ordre de Donald Trump, déterminé à neutraliser les manifestations contre les arrestations massives d’immigrés. Une mesure radicale, prise sans l’autorisation du gouverneur de Californie, Gavin Newsom. Ce responsable démocrate habituellement réservé est monté au créneau : “La démocratie est attaquée sous nos yeux, le moment que nous redoutions est arrivé […] La Californie est peut-être la première. Mais ce ne sera pas la dernière. D’autres Etats suivront. La démocratie est la prochaine cible”, a-t-il averti.
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Bien que la décision de déployer la Garde nationale à Los Angeles ait été déclarée illégale par un juge fédéral le 12 juin, le climat demeure tendu. D’autant que ce samedi 14 juin, des milliers de manifestations sont prévues à travers les Etats-Unis en réaction aux politiques de l’administration Trump, tandis que Washington accueillera un défilé militaire inédit pour célébrer le 250e anniversaire de l’armée américaine, un événement qui coïncide avec le 79e anniversaire du président. Une journée qui pourrait bien marquer un tournant, selon David A. Graham, journaliste à The Atlantic – le magazine à l’origine du rocambolesque “Signal Gate” – et auteur d’un article “Les manifestations ne font que commencer”.
Mais alors, y a-t-il encore quelqu’un, dans l’entourage du président américain, capable de tempérer ses ardeurs ? “Stephen Miller – le stratège derrière la politique anti-immigration de Trump – est celui lui qui exerce aujourd’hui la plus grande influence sur lui”, explique David A. Graham, convaincu “qu’il ne s’agit que d’une question de temps avant qu’il invoque l’Insurrection Act”, une mesure d’exception qui lui permettrait d’utiliser l’armée régulière pour assurer le maintien de l’ordre. Il décrit un Donald Trump qui a toujours aimé “utiliser l’armée un peu comme un accessoire”. Mais cette fois-ci, s’inquiète-t-il, cette tendance semble s’accentuer : “Cela donne le sentiment qu’on s’approche d’une logique quasi martiale.” Entretien.
L’Express : Il y a une semaine, après deux jours de manifestations contre les expulsions de migrants, Donald Trump a ordonné le déploiement de la Garde nationale à Los Angeles. Cette décision était-elle justifiée d’une quelconque manière ?
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David A. Graham : Je ne le pense pas. Nous avons déjà assisté à des manifestations bien plus importantes dans tout le pays, notamment en 2020, après la mort de George Floyd. Cela n’avait pas entraîné automatiquement le déploiement de la Garde nationale, malgré un nombre de manifestants bien plus élevé. Cette fois, la mobilisation semble relativement faible, les incidents violents sont limités. Et il faut rappeler que Los Angeles dispose de l’un des plus grands services de police du pays et de l’un des plus grands bureaux de shérif du pays. C’est une ville habituée aux manifestations. Dans ce contexte, le recours à la Garde nationale apparaît comme une réponse clairement disproportionnée. Il est difficile de trouver un précédent comparable. Certes, nous avons vu des gouverneurs faire appel à la Garde nationale dans certains cas isolés, et nous avons assisté à des manifestations bien plus massives. Mais voir le président lui-même ordonner le déploiement de la Garde nationale – ce qui est déjà en soi très inhabituel –, et le faire dans une situation d’une telle ampleur relative, tout en appelant en plus les Marines, c’est quelque chose que nous n’avons, à ma connaissance, jamais vu auparavant.
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Jusqu’où peut aller le bras de fer entre Donald Trump et les Etats dirigés par les démocrates ? Le président américain a laissé entendre qu’il n’hésiterait pas à faire arrêter Gavin Newsom…
Ce qui est certain, c’est que le choix de la Californie est significatif. C’est un peu comme s’en prendre à Harvard : il vise l’Etat le plus emblématique, le plus influent. La Californie est si grande, si libérale, et dispose de tant de ressources pour riposter. L’administration Trump croit que si elle peut intimider la Californie, elle peut intimider n’importe qui. Trump évoque la possibilité de couper totalement, ou en grande partie, le financement fédéral de l’Etat. Des mesures qui paraissent illégales, mais qui pourraient mettre beaucoup de temps à être bloquées par la justice. Et pendant ce temps, il continue de chercher de nouvelles façons de cibler ces Etats démocrates. On ne sait donc pas jusqu’où il est prêt à aller, ni ce qu’il pourrait faire ensuite. C’est, je pense, l’un des grands points d’interrogation du moment.
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“Trump a tendance à dépasser les limites de ce que les électeurs attendent réellement”
Quel objectif poursuit-il en adoptant une telle stratégie ?
La soumission. Il est contrarié par les personnes qui lui ont tenu tête, comme Gavin Newsom ou le corps professoral de Harvard. Mais il les perçoit aussi comme des centres de pouvoir concurrents. Il s’attaque aux intellectuels, à la société civile, aux groupes démocratiques, aux Etats qui incarnent une forme de contre-pouvoir, et il cherche à les écraser pour exercer un contrôle sans rival.
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“Pour Trump, c’est une répétition générale”, a écrit votre collègue le chroniqueur David Frum, sous-entendant que son objectif serait de semer le trouble dans les Etats démocrates à l’approche des élections de mi-mandat…
Beaucoup de ses actions me semblent potentiellement contre-productives en vue des élections de mi-mandat. Et ce que nous avons vu en 2018, c’est que Trump a outrepassé ses limites et que les républicains ont obtenu de très mauvais résultats aux élections de mi-mandat. Il y a donc clairement un risque. Mais il semble presque penser au-delà des préoccupations électorales, vers un pouvoir bien plus grand, une conception plus large du pouvoir.
Comment l’opinion publique américaine a-t-elle réagi dans son ensemble à cette décision de déployer la Garde nationale ?
Si l’on regarde les premiers sondages disponibles, ils indiquent que beaucoup d’Américains désapprouvent la manière dont Donald Trump a géré les récentes manifestations. Le recours à la Garde nationale, voire aux Marines, ne passe pas bien auprès d’une partie importante de l’opinion. Il y a là un vrai risque pour la Maison-Blanche d’aller trop loin. Il est vrai que Trump a en partie remporté l’élection de 2024 grâce à la question migratoire – une grande partie de la population souhaitait un durcissement des contrôles. Mais ce que l’on constate, c’est que Trump a tendance à dépasser les limites de ce que les électeurs attendent réellement. C’est une dynamique que l’on retrouve à la fois dans les données, dans l’histoire récente, et même dans des témoignages anecdotiques. Par exemple, après sa victoire en 2016, il a mis en place la politique de séparation des familles à la frontière. Cela a provoqué une immense vague d’indignation, et les républicains ont subi de lourdes pertes aux élections de mi-mandat en 2018. De manière plus anecdotique, on entend régulièrement des histoires de personnes expulsées dans des villes conservatrices, ce qui choque même des électeurs de Trump. Beaucoup s’insurgent aujourd’hui en mode : “Attendez une seconde, ce n’est pas ce que nous voulions dire. On parlait des criminels, pas de nos voisins.” Pourtant, la Maison-Blanche continue d’affirmer : “Nous sommes en train de gagner. C’est un combat que nous voulons. Les démocrates sont coincés.” Cela peut contenir une part de vérité – les gens n’aiment pas le désordre – mais je reste sceptique quant au fait que cette stratégie soit aussi payante qu’ils le pensent. De même qu’en 2020, il y a eu des manifestations dans de nombreuses villes, dont certaines ont dégénéré en violences. Trump était alors persuadé que cette situation jouerait en sa faveur sur le plan électoral. Mais sa réaction, jugée excessive par beaucoup, a finalement eu l’effet inverse. Il a perdu l’élection présidentielle. Cela montre, selon moi, qu’il a parfois du mal à doser ses réactions.
Y a-t-il une part de sincérité dans la position de Trump sur le sujet de l’immigration, ou s’agit-il simplement d’un calcul politique ?
Trump se soucie réellement de la question migratoire. Lui et Stephen Miller [NDLR : le “Monsieur Immigration” de la Maison-Blanche] y accordent une importance majeure. D’ailleurs, Trump parle d’immigration depuis les années 1980. C’est, avec les tarifs douaniers, l’un des rares sujets qui semblent lui tenir vraiment à cœur. Stephen Miller, quant à lui, est un idéologue pur et dur sur ce sujet. Et, dans une certaine mesure, on peut dire qu’ils sont prêts à accepter un coût politique pour défendre ce en quoi ils croient. Ce n’est donc pas uniquement un calcul politique : il y a une dimension idéologique forte. Trump s’exprime depuis longtemps sur l’immigration, et son discours semble en partie façonné par sa perception de l’immigration cubaine, notamment l’exode de Mariel [NDLR : du nom de ce port d’où le régime de Fidel Castro a expulsé près de 125 000 Cubains en 1980]. Quand il dit des choses comme “ils n’envoient pas leurs meilleurs éléments”, il semble faire référence à cet épisode où le régime cubain avait envoyé délibérément des prisonniers et des personnes souffrant de troubles mentaux vers les Etats-Unis. On peut penser qu’il voit cet événement comme emblématique d’un certain type d’immigration, ce qui influence sa vision. Il suffit de revoir certaines de ses interviews données à Larry King ou à Oprah Winfrey dans les années 1980 et 1990 : l’immigration y est déjà un thème récurrent. Cela montre que cette question est une préoccupation ancienne et constante chez lui.
Quel rôle joue Pete Hegseth, le secrétaire à la Défense, dans tout cela ? Et qu’en est-il de Thomas Homan, le “tsar des frontières”, l’architecte de la politique d’expulsion massive de migrants en situation irrégulière ?
On a une assez bonne idée de ce que pense Hegseth : il a une position très arrêtée sur l’immigration, et il souhaite utiliser l’armée de manière plus agressive. Il estime que l’institution militaire est devenue “woke”. Mais dans ce cas précis, on a plutôt l’impression que c’est Trump qui mène la danse, et que Hegseth suit le mouvement – tout semble venir de la Maison-Blanche. Homan, lui, est un cas intéressant. Il intervient souvent à la télévision, où il fait des déclarations très virulentes. Mais on ne sait pas vraiment quel pouvoir effectif il détient. L’orientation générale semble venir de Stephen Miller, et plusieurs rapports indiquent que c’est lui qui pousse à intensifier les arrestations et les expulsions. Tout donne l’impression que c’est lui qui pilote cette stratégie, bien plus que Homan.
“Il me semble évident que les démocrates ont commis une erreur politique”
Y a-t-il encore quelqu’un, dans l’entourage de Donald Trump, capable de tempérer ses ardeurs ?
Stephen Miller est celui qui exerce aujourd’hui la plus grande influence sur Trump. Certaines personnes peuvent encore le convaincre sur des points spécifiques. Par exemple, Scott Bessent, le patron du Trésor, semble avoir un poids réel sur les questions économiques : il paraît capable d’atténuer un peu les positions de Trump sur les droits de douane ou sur son idée de limoger le président de la Réserve fédérale. Mais sur l’immigration, je ne vois personne dans son entourage qui cherche à modérer sa position. Mike Waltz (ancien conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis, limogé en mai dernier par Trump) aurait pu jouer ce rôle, en disant par exemple : “Attention, on ne devrait pas impliquer l’armée ici.” Mais il n’est plus là. A une autre époque, le secrétaire d’Etat Marco Rubio aurait peut-être pu tenir cette ligne de prudence. Aujourd’hui, il évite soigneusement de s’opposer à Trump. Donc non, à ma connaissance, il n’existe pas actuellement de voix claire et influente dans l’administration qui tenterait de le tempérer sur la question migratoire.
Selon vous, le déploiement massif de troupes fédérales révèle aussi la fragilité de Donald Trump face à l’opinion publique. Pourquoi ?
Il constate la chute de sa popularité sur la question migratoire et il cherche à réagir. Mais les manifestations sont, en elles-mêmes, un signe de faiblesse. Ce type de résistance populaire montre sa faiblesse, et je pense qu’il espère pouvoir s’en sortir par un coup de bluff – en mobilisant l’armée et en réagissant avec force, il pense pouvoir triompher. Je doute toutefois que le public adhère à cette stratégie. La vraie question est de savoir s’il peut imposer cette politique par la force ou la crainte. Car si sa position était véritablement populaire, il n’y aurait pas de protestations, pas de mobilisation de rue. Tout se passerait sans heurts.
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Le discours prononcé par Donald Trump le 10 juin à Fort Bragg, à l’occasion du 250ᵉ anniversaire de l’armée américaine, a fortement marqué les esprits. On l’a vu entamer son célèbre pas de danse sur l’air de YMCA du groupe Village People. La foule, composée de soldats, s’est aussitôt jointe à lui, scandant en chœur le cri patriotique “USA”… Que nous dit cette séquence ?
Oui, c’est troublant. On le voit clairement à travers son discours à Fort Bragg, les vidéos soigneusement mises en scène, la présence de la Garde nationale et des Marines à Los Angeles, ou encore le défilé militaire prévu ce week-end. Il adopte une imagerie, un ton et une mise en scène résolument militaristes. Ce n’est pas totalement nouveau : déjà lors de son premier mandat, il avait envoyé l’armée à la frontière, sans mission claire. Les soldats étaient restés là, inactifs, sous la chaleur. Il aime utiliser l’armée un peu comme un accessoire. Mais cette fois-ci, cette façon de faire semble s’accentuer. Et, franchement, c’est inquiétant. Quand il évoque l’idée de déployer l’armée dans d’autres villes, cela donne le sentiment qu’on s’approche d’une logique quasi martiale. Je n’ai pas envie de verser dans l’alarmisme… Mais il faut bien admettre que ce type de rhétorique et de posture est inhabituel et préoccupant.
Les manifestations déclenchées à Los Angeles commencent à s’étendre à d’autres villes. Jusqu’où ce mouvement peut-il aller ?
Je pense que ce qu’il faut vraiment observer, c’est ce qui va se passer ce samedi lors des manifestations “No Kings” contre l’administration. Ce sera l’occasion de mesurer si l’opposition est réellement forte, et combien de personnes sont prêtes à se mobiliser.
Croyez-vous qu’il puisse mettre à exécution sa menace d’appliquer l’Insurrection Act ?
J’ai le sentiment que ce n’est qu’une question de temps avant qu’il invoque l’Insurrection Act. Il lui suffit d’un prétexte. Ce seront peut-être ces manifestations, ou un autre événement à venir, mais il semble clairement attiré par cette possibilité, à en juger par la manière dont il parle des “insurrections”. On sait qu’il avait déjà envisagé ce recours lors de son premier mandat, mais qu’il avait été freiné par certains conseillers et hauts responsables militaires. Cette fois, il ne semble plus y avoir grand monde autour de lui pour le raisonner. Il écarte ou limoge progressivement les généraux susceptibles de s’opposer à lui. Je suis toujours prudent lorsqu’il s’agit d’évoquer une dérive autoritaire. Mais l’idée même d’utiliser l’armée pour faire appliquer les lois sur le sol américain, le déploiement de troupes en milieu civil, les pressions sur les hauts gradés… Tout cela constitue, à mes yeux, un motif d’inquiétude profond.
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D’où vient la fascination de Trump pour l’armée ?
Vous y êtes un peu pour quelque chose ! [Rires.] Tout cela remonte à sa visite à Paris et aux cérémonies du 14 Juillet en 2017. Blague à part, cela semble correspondre parfaitement à sa conception de la force. On se souvient qu’il avait nommé de nombreux généraux à des postes clés lors de son premier mandat, en grande partie parce qu’il aimait leur allure. Il évoque aussi fréquemment le fait qu’il a fréquenté une école militaire, même s’il n’a jamais fait l’armée. Cela donne parfois l’impression, sans vouloir tomber dans une analyse psychologique simpliste, qu’il cherche à compenser cette absence de service. Et comme je vous le disais, c’est aussi un outil qui lui permet d’accomplir ce qu’il souhaite.
Traditionnellement, les républicains sont hostiles à l’expansion du pouvoir fédéral. Reagan disait : “Le gouvernement n’est pas la solution à notre problème, le gouvernement est le problème.” Cette offensive de Donald Trump contre certains Etats fédérés peut-elle emporter l’adhésion du parti ?
C’est un tournant. Le Project 2025 porte nombre d’idées issues du conservatisme traditionnel, mais en cherchant à les appliquer par des moyens que les républicains, historiquement, rejetaient : une concentration accrue du pouvoir exécutif, une centralisation de l’autorité et un affaiblissement du rôle du Congrès. Il existe un courant au sein du parti républicain qui justifie les moyens employés par les objectifs qu’il poursuit. Des élus ou figures qui, par le passé, s’opposaient farouchement à ce type d’intervention de l’Etat fédéral soutiennent désormais ces projets. On voit aussi des figures longtemps obsédées par la réduction des déficits se montrer aujourd’hui beaucoup plus enclines à dépenser massivement. Tout cela s’inscrit dans une vision très apocalyptique de la situation. Ils tiennent des propos comme : “Nous sommes dans les dernières phases d’une prise de contrôle marxiste”, et se sentent investis d’une mission pour sauver le pays. C’est pourquoi ils sont prêts à adopter des mesures qu’ils rejetaient autrefois, convaincus de vivre un moment existentiel.
Hormis Gavin Newsom, on n’entend pas beaucoup les démocrates depuis le déploiement de la Garde nationale à Los Angeles…
On voit Gavin Newsom essayer de trouver le bon équilibre. Il veut affronter Trump autant que Trump veut l’affronter mais il est visiblement soucieux de ne pas aller trop loin. C’est un jeu très risqué. Le problème, c’est que Newsom semble être l’un des seuls démocrates véritablement actifs dans cette séquence. A part lui, on a le sentiment que le parti est en retrait, presque absent. Les démocrates ne dirigent pas les manifestations, ils n’ont pas de contrôle sur les mouvements de protestation. Ce n’est pas eux qui organisent les rassemblements prévus samedi. Ils sont davantage dans une position d’observateurs, tentant de comprendre comment capter ou canaliser cette énergie populaire.
Certains commentateurs estiment que si la situation actuelle est si tendue, c’est parce que les démocrates ont négligé l’importance de la politique migratoire…
En effet. Il y a eu énormément de critiques sur la façon dont Joe Biden a géré la frontière. Une partie de l’opinion publique s’en est montrée très mécontente, ce qui a clairement renforcé les républicains. On a pu identifier, durant la première présidence Trump, un changement radical dans la rhétorique et l’attitude des démocrates vis-à-vis de l’immigration. Ils ont d’abord adopté une posture globalement pro-immigration – mais sans radicalité. Puis, au fur et à mesure que Trump durcissait sa politique migratoire, leur discours s’est déplacé de plus en plus vers la gauche. A tel point qu’en 2020, plusieurs candidats à la primaire démocrate soutenaient pratiquement une ouverture quasi totale des frontières, persuadés que cela leur serait bénéfique électoralement lors des primaires. Et pourtant, ce n’est pas ce qui s’est produit. C’est Joe Biden – le candidat qui avait la position la plus stricte sur la question des frontières – qui a remporté la primaire. Par ailleurs, cette dérive vers des positions très libérales en matière d’immigration a fini par aliéner une partie significative de l’électorat. Bien sûr, Trump aurait probablement adopté une ligne dure sur la frontière dans tous les cas. Mais il me semble évident que les démocrates ont commis une erreur politique. Et on voit bien aujourd’hui à quel point cette erreur les fragilise. Ils semblent hésiter, paralysés, craignant de s’exprimer trop clairement sur le sujet, conscients d’être allés trop loin dans l’autre sens.
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“La démocratie est attaquée sous nos yeux”, a déclaré Gavin Newsom dans une déclaration en forme de réquisitoire. Est-il en train de prendre la tête de l’opposition à Trump ?
C’est ce qu’il souhaite. Ce qui est intéressant, c’est que ces derniers mois, Gavin Newsom semblait opérer un recentrage. Il critiquait les démocrates sur certaines questions liées à la guerre culturelle, il allait à la rencontre de figures conservatrices. Et voilà qu’il revient soudainement dans un rôle de critique virulent de Trump. Ça ressemble à une bouée de sauvetage pour lui. Ça lui apporte beaucoup d’attention et une grande opportunité de se poser en héros du parti démocrate. Et il est clairement très désireux de saisir cette chance.
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