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le manque d’empathie, une clé pour comprendre les passages à l’acte violents d’adolescents ?

L’élève de 14 ans mis en examen pour avoir poignardé une femme devant son collège a été décrit comme n’exprimant aucune compassion ni regret. Son profil interroge, alors que le nombre des actes les plus violents chez les mineurs augmente.

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Publié le 14/06/2025 07:05

Temps de lecture : 9min

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Elèves, proches et habitants viennent rendre hommage à la surveillante poignardée devant le collège de Nogent (Haute-Marne), le 11 juin 2025. (LP/JEANNE VILLE / MAXPPP)

Quatre jours après le meurtre au couteau d’une surveillante par un élève de 14 ans au collège de Nogent (Haute-Marne), les questions restent nombreuses. Le parcours de l’adolescent, qui a été mis en examen jeudi 12 juin, interroge tout particulièrement. Le procureur de Chaumont a dressé le portrait d’un jeune à priori banal, plutôt “bon élève”, “intégré à la vie de son établissement”, sans aucun antécédent judiciaire, issue d’une “famille unie”. Mais, en garde à vue, il n’a pas exprimé de regret “ni aucune compassion” à l’égard de la victime. Le magistrat a évoqué “une perte de repères quant à la valeur de la vie humaine, à laquelle il ne semble pas attacher d’importance”. Selon les premiers éléments de l’enquête, le mobile semble dérisoire. Il a “ressassé le projet de tuer une surveillante” après avoir été “sermonné” par l’une d’entre elles parce qu’il “embrassait sa petite amie”.

S’il est bien trop tôt pour établir le profil psychologique du collégien, qui ne présente “aucun signe évoquant un possible trouble mental” selon le procureur et qui doit faire l’objet d’une expertise psychiatrique, ce passage à l’acte violent et cette absence de regrets peuvent évoquer un manque d’empathie, convoqué dans d’autres faits divers récents impliquant des mineurs, comme le meurtre pour un téléphone portable d’Elias à Paris.

Dans l’affaire de Nogent, le suspect a été décrit comme “détaché, tant au regard de la gravité des faits que des conséquences vis-à-vis de lui-même”. Sur un plan psychopathologique, le manque d’empathie est défini par le DSM-5, le manuel diagnostique de référence des troubles mentaux et psychiatriques, comme le fait d’être “froid ou insouciant” et de ne pas se sentir “concerné par les sentiments d’autrui” ni “par les effets de ses actions”. Il est un des éléments qui caractérisent un trouble des conduites (le fait de multiplier les actes “dans lequel sont bafoués les droits fondamentaux d’autrui”), une personnalité narcissique ou antisociale. Reste que chez les adolescents, la personnalité est encore en construction. Le diagnostic doit donc être posé avec une grande prudence.

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Pour autant, le psychiatre Serge Hefez a expliqué, sur le plateau de l’émission “C ce soir” mercredi, voir “de plus en plus de jeunes” dans ses consultations “être désertés par le sentiment d’empathie” et le “sentiment de réalité”. Evoquant la série britannique Adolescence, qui raconte comment un collégien sans histoire en vient à infliger de nombreux coups de couteau à une camarade, le médecin a pointé du doigt l’usage des écrans et des réseaux sociaux : “L’empathie s’acquiert dans la relation aux autres. (…) Face à un écran, il n’y a pas d’empathie, l’émotion ne circule pas.”

Ce manque d’empathie caractérise-t-il une jeunesse de plus en plus plongée dans des mondes virtuels ? En l’occurrence, le collégien de Nogent était, selon le procureur, fasciné par les personnages les plus sombres des films ou séries télévisées”, “adepte de jeux vidéos violents, sans pour autant être addict”, et “utilisait peu les réseaux sociaux”. Le rôle de ces derniers dans le déclenchement de la violence n’est d’ailleurs pas établi par la littérature scientifique. Ils peuvent, en revanche, contribuer à sa diffusion. Le sociologue Thomas Sauvadet souligne auprès de franceinfo comment ce qu’il appelle le “capital guerrier” s’est développé chez les jeunes dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, puis répandu dans des milieux plus socialement favorisés via les outils de communication actuels. “On voit beaucoup d’ados qui imitent les codes de cette minorité. Ils fantasment sur la virilité de ces jeunes, leur capacité à tenir tête aux adultes et aux institutions”, explique l’auteur de Voyoucratie et travail social (éditions du Croquant).

“Développer son capital guerrier, ça nécessite de limiter l’empathie avec certaines personnes. Donc oui, il y a un processus d’endurcissement, avec des formes de déshumanisation qui permettent le passage à l’acte.”

Thomas Sauvadet, sociologue

à franceinfo

Cet enseignant-chercheur à l’université Paris Est-Créteil pointe aussi les “valeurs de notre société libérale, liées au système capitaliste, fondé sur l’intérêt personnel et la compétition sociale. Ça ne développe pas des capacités d’empathie extraordinaires.”

Cet environnement sociétal peut-il expliquer la hausse des actes les plus violents chez les mineurs, alors que la délinquance des jeunes, elle, diminue globalement ? Le nombre d’adolescents poursuivis pour assassinat, meurtre, coups mortels ou violence aggravée a quasiment doublé depuis 2017, passant de 1 207 cette année-là à 2 095 en 2023, selon les chiffres du ministère de la Justice. Parmi les causes, multiples et complexes, des homicides commis par des mineurs, les auteurs d’un article publié en mai dans la revue Dalloz mettent en avant des facteurs cognitifs, tels que des problèmes de gestion de la colère et un déficit d’empathie.

Comme le souligne autre étude française sur le développement des compétences socio-émotionnelles dans des écoles maternelles de Seine-Saint-Denis, publiée en 2022 dans la revue Trials, la recrudescence des problèmes émotionnels et comportementaux chez les enfants et les adolescents est une réalité à l’échelle mondiale. Ils ont augmenté au cours des 30 dernières années dans plusieurs pays et ont connu un pic spectaculaire avec la pandémie de Covid-19.

“Effectivement, on a cru bon d’enfermer tout le monde, c’est une catastrophe pour la pensée et la vie affective, ça laisse forcément des traces et des cicatrices indélébiles”, observe pour franceinfo Jean-Louis Goeb, responsable du service psychiatrie infanto-juvénile de la clinique des Hauts-de-France et expert judiciaire auprès de la Cour de cassation. Mettant en garde contre les généralisations, que ce soit sur l’empathie des adolescents ou le rôle des écrans, il constate toutefois que certains jeunes “vont très mal de plus en plus tôt, sans que cela ne soit forcément repéré”. Le spécialiste insiste sur la nécessité de “responsabiliser les parents dans leur mission d’éducateurs”, sans “les culpabiliser”, et de renforcer les moyens alloués à “une école complètement submergée” et aux “activités extrascolaires”.

C’est justement à l’école que le gouvernement a confié le renforcement des compétences psychosociales des élèves. Des cours d’empathie ont ainsi été mis en place dans le cadre du plan interministériel de lutte contre le harcèlement, à l’image de ce qui existe dans d’autres pays comme le Danemark. D’abord expérimentés, ils ont été généralisés à la rentrée 2024, avec la distribution d’un “kit pédagogique” aux enseignants. Comme le soulignait le pédopsychiatre Marcel Rufo auprès de franceinfo, ces exercices permettent de “créer de la fraternité, du lien entre enfants”.

“Rendre son enfant empathique, c’est le protéger dans son avenir social.”

Marcel Rufo, pédopsychiatre

à franceinfo

Reste que ces cours peinent à trouver leur place dans le reste du programme, ainsi que le relatent plusieurs médias, dont France 3 Centre-Val de Loire. Dans la région, les syndicats d’enseignants n’ont “pas vu grand-chose se mettre en place“, faute de moyens et d’accompagnement. “Vu la quantité de monde que cela concerne, on sait bien que les choses ne se font pas instantanément”, répond-on au ministère de l’Education nationale. Selon un premier bilan réalisé par celui-ci, 47% des écoles ayant expérimenté pendant quatre mois ces séances sur l’empathie ont vu le nombre de situations de violence diminuer.

Le collégien de Nogent qui s’en est pris à sa surveillante était référent harcèlement, mais avait été exclu une journée à deux reprises pour des violences sur des camarades. C’est un des paradoxes, dans cette affaire, que les investigations vont devoir éclaircir. Dans ce contexte, Eric Debarbieux, spécialiste de la violence scolaire, met en garde sur RTL contre le “réflexe” des “solutions simples”, comme l’installation de portiques. L’auteur de Zéro pointé ? Une histoire politique de la violence à l’école (éditions Les liens qui libèrent) insiste sur l’importance de la réponse des adultes et met en cause la responsabilité de la classe politique, avec une culture de l’empathie peu présente dans l’espace public : “Le discours politique [actuel] est un discours de rejet de l’autre.”

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