« Non, monsieur Orban, vous n’êtes pas le bienvenu en France »

WOJTEK RADWANSKI / AFP

Viktor Orban a été invitée par Marine Le Pen au rassemblement organisé par le RN dans le Loiret ce lundi 9 juin.

TRIBUNE – Monsieur le Premier ministre de la Hongrie, votre venue, ce lundi 9 juin dans le Loiret, n’est pas une visite diplomatique : c’est une provocation politique.

Vous choisissez de fouler le sol de notre pays pendant le mois des fiertés, alors que, dans le vôtre, les personnes LGBTI+ meurent sous les coups de vos lois, et que vous y avez interdit les marches des fiertés. Vous choisissez de vous rendre en France pour y prêcher la haine de l’autre et la division, en dehors de toute invitation officielle de la diplomatie française, mais à l’invitation d’un parti politique se prétendant « patriote ».

C’est une curieuse ironie que de nommer son parti européen « Les Patriotes ». Il n’y a rien de patriotique à s’ingérer dans toutes les élections européennes à coups de millions d’euros via votre ami personnel, Lőrinc Mészáros, première fortune hongroise. La banque « Magyar Bankholding » (MBH), qu’il dirige et qui est détenue à 30 % par l’État hongrois, a accordé un prêt de 9,2 millions d’euros au parti espagnol Vox, ou encore un prêt de 10,6 millions d’euros au Rassemblement national en 2022.

Doit-on considérer que l’invitation en France par le Rassemblement national est celle de votre obligé ? Vous aviez pourtant fait de la lutte contre les ingérences étrangères de millionnaires, comme votre bouc émissaire préféré George Soros, un symbole de votre nationalisme.

Nous défendrons les valeurs antifascistes de la France

Nous vous opposerons la solidarité et la mobilisation antifasciste et nous vous opposerons le show Drag de la Cooperative d’Orléans : je me rendrai ce lundi 9 juin, avec des artistes et des représentants de toutes les forces syndicales et politiques de gauche, à Montargis, à quelques kilomètres du terrain privé qui a bien voulu de vous, pour défendre les valeurs antifascistes de la France.

Non Monsieur Orban, vous n’êtes pas le bienvenu à Mormant-Sur-Vernisson. C’est ici, dans le Loiret, qu’à la suite de la tentative de coup d’État des ligues factieuses de l’extrême droite, le 6 février 1934, 77 comités antifascistes se sont constitués, avec un effectif tel que le département fut l’un des plus actifs dans la mobilisation antifasciste qui s’est alors organisée.

C’est cela, la France : la défense collective des valeurs d’humanisme des droits des minorités.

Vous prospérez grâce à la passivité de la Commission européenne. Elle sera toujours plus prompte à engager des procédures pour déficit excessif plutôt qu’à mettre un terme à votre système de violation méthodique de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Nous attendons toujours que la Commission initie un recours juridique contre votre loi interdisant les marches des fiertés, votée en mars dernier.

« C’est cela, la France : la défense collective des valeurs d’humanisme des droits des minorités. »

C’est de vous que les enfants hongrois doivent être protégés : ils ont besoin de grandir avec la diversité des référentiels qui leur conviendront, et d’être protégés de la menace des thérapies de conversion. Nous avons obtenu une première victoire pour leur interdiction en imposant une pétition auprès de la Commission européenne.

Comptez sur moi pour poursuivre le combat auprès de cette dernière, afin qu’elle légifère sur cette torture qui prospère dans votre pays comme dans trop d’autres en Europe. Comptez sur moi également pour me battre afin d’inscrire le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux. Les femmes que vous soumettez par vos politiques réactionnaires ont le droit de disposer librement de leur corps sans la perversion de leur faire écouter les battements de cœur de leur fœtus. C’est parce que vos méthodes et vos atteintes aux libertés fondamentales essaiment partout en Europe et jusqu’en France que je m’oppose à vous avec autant de force.

Emmanuel Macron, votre allié objectif

Vous avez trouvé un allié objectif en la personne d’Emmanuel Macron dans bien des domaines : de la définition pénale du viol, que vous avez réussi à faire enterrer à cause du lobbying actif du président français, à l’introduction de dérogations sur la reconnaissance faciale dans le nouveau règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act). Cette dérogation, pour laquelle la présidence de la République française s’est tant battue, vous offre aujourd’hui l’argument juridique pour dissuader et traquer les participants à la Pride de Budapest.

En France, ce sont les ministres Darmanin et Retailleau qui veulent faire sauter les verrous qui nous protègent de la reconnaissance faciale algorithmique. Malgré votre interdiction et tous vos outils de cybersurveillance, je conduirai, à la marche des fiertés de Budapest, une délégation d’au moins 9 eurodéputés de mon groupe parlementaire pour soutenir les Hongroises et les Hongrois qui vous défieront courageusement.

Votre présence en France est une alerte. Mais elle est aussi une opportunité : celle de montrer que, dans un bassin rural, les collectifs s’organisent dans leur diversité et leurs complémentarités pour défendre les droits fondamentaux face à ceux qui voudraient les piétiner.

Alors non, Monsieur Orbán, vous n’êtes pas le bienvenu en France. Et en convoquant pour vous cette internationale fasciste, Jordan Bardella et le Rassemblement National montrent leur vrai visage, malgré leur tentative de dédiabolisation : le Rassemblement national n’a pas changé. Il marche dans vos pas — ceux d’une extrême droite raciste, homophobe et sexiste. Et tant que vous foulerez aux pieds les valeurs de justice et de liberté, nous serons toujours là pour nous dresser contre vous.